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Patrick MODIANO - Rue des Boutiques Obscures
L’écriture est simple, limpide, transparente, peut-être trop même, car abrasée de la moindre aspérité, elle peine parfois à maintenir le contact avec certains lecteurs exigeant plus d’originalité stylistique (et donc plus d’idée intraphrastique).
Un homme amnésique mène une quête en vue de reconstituer et recoller les pièces de son passé.
Rien de très nouveau. C’est même un peu mince.
Le livre s’ouvre sur une fin : fin de la période d’une dizaine d’années pendant lesquelles le protagoniste travaillait dans une agence d’enquêtes privées qui cesse, donc, son activité. Le livre ne dit à peu près rien de ces dix années, c’est une zone romanesquement neutre, qui suggère seulement que le héros a pu y acquérir l’expérience de l’enquête.
Ce temps de soudaine vacuité présente pour le héros tous les risques de mieux ressentir son vide d’homme sans passé, mais lui laisse aussi toute liberté de partir à sa recherche. De se reconstituer. Ce sera désormais le sens et le contenu de sa vie.
Un couac scénaristique : la rencontre avec André Wildmer. Ce jockey semble être le plus gros gisement d’informations sur le passé du héros. Et celui-ci le dédaigne. Cette maladresse permet de faire durer le livre...
C’est à la fin que la structure du livre éclairera vraiment son propos original.
Car le roman ne conclut pas et laisse des zones d’ombres à élucider, laissant l’homme à sa quête dont on comprend qu’elle ne sera jamais qu’incomplètement satisfaite.
La démonstration est faite : la mâture de notre vie, c’est la mémoire. Celle-ci effacée, le temps se replie, l’avenir s’efface en tant que porteur de nouvelles potentialités, et c’est la vie qui se démâte en laissant ces deux pans, passé et avenir, faseyer l’un contre l’autre. Jusqu’à se superposer et se refléter : le futur n’a alors d’autre vocation que de reconstruire le passé. Parce que sans passé, « Je ne suis rien » (incipit du livre).
Et parce que « Ce n’est pas l’avenir qui compte, mais le passé. »
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