Ô Ma condamnation !
J’ai nécessairement et longtemps caressé l’idée d’une "condamnation à la liberté". Sartre la faisait découler de l’existentialisme: l’homme était libre parce que à même de s’extraire du déterminisme de toute essence : il se définissait selon ses désirs ou sa volonté et sa contingence était nécessaire.
De Sartre écrivain, il nous reste l’œuvre, bien sûr. Du penseur, il me reste un peu de perplexité quant à cette idée généreuse (angoissante mais généreuse) d’une liberté consubstantielle à l’existence humaine.
Il est vrai que pas un jour sans que les médias ne se donnent l’occasion de la battre en brèche ; insidieusement, sans la nommer. C’est telle maladie génétique qui contraint l’existence humaine dans le corset de l’essence qu’elle détermine : celle qu’à gros traits nous croque le reportage réducteur. C’est telle addiction d’un tel qui revendique et crie l’impuissance de sa volonté et complaisamment nie lui-même sa liberté. C’est l’adepte fanatique de telle religion dont tout le moi nous est présenté dissous dans le dogme. Dirait-on que ce sont là mauvaise foi, ou cristallisations secondaires sur le
fond libre de l'existence humaine ? Dans les schèmes de la communication, c’est l’infantilisation générale qui ramène chacun vers son irresponsable en-soi. C’est cette quasi-réification de l’existence
humaine réduite à sa valeur sur les marchés, dont celui de la représentation !
De sorte qu'on pourrait au moins jeter un pont corrélatif entre ces deux aspects de notre modernité la plus récente :
1 – dans le prolongement de la marchandisation, réification de l’existence humaine dans la mesure où elle n’est plus valorisée que comme instance de consommation, de production, de représentation, etc..
2 – absence (ou mutisme) de tout penseur aussi efficient (et donc subversif) qu’un Sartre.
Deux piliers sur quoi peut se fonder un conformisme de comportements et de convoitises. Et partant, se neutraliser une certaine idée de la liberté de l’existence humaine.
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