De Sylvie Germain, j´avais pourtant apprécié Jours de colère, et plus encore Les Personnages.
Mais ça ? Ce Magnus ? qui n´a de grand que le sujet initial (un jeune homme, né peu avant-guerre, se découvre une ascendance douteuse dans le milieu nazi).
Pour le reste : une écriture paresseuse, tout au présent, « deux de tension », qui se hérisse rarement ; un style relāché et venteux ; une poétique de l´herbe couchée qui cherche en vain à se relever par d´incessants effets, d´agaçantes formules maniérées
(« elles [les larmes] ont aussi mouillé la rumeur qui emplissait » ;
« continue de brûler en sourdine dans la mémoire » ;
« Avant, éperdument avant. Avant, au vif de l'instant présent. »
etc.). Des raccords grossiers, tarabiscotés ou désinvoltes ; du deus ex machina (oh ! cette rencontre, au restaurant de Vienne, entre Magnus et son vrai nazi de faux père : vous ici, quel divin et heureux hasard, je vous voyais au zoo (de Berlin) et vous croyais mort, n´est-ce pas, et depuis belle lurette !) ;
de pauvres liens analogiques entre les scènes, dont certaines sont d´une grandiloquence puérile ou niaisement romantique (la montgolfière louée pour répandre les cendres de May, l´invitation à table du souvenir d'un quasi-homicide
de Tim par Peggy sur la falaise - souvenir suivi, ô ridicule consommé ! d´une séquence-rappel du Roi Lear de Shakespeare — Le point d´accolement, je vous prie ? — Eh bien, la falaise de Douvres, voyons ! Où va Gloucester aveuglé, rejoint par Lear... Bon d´accord... Mais ça fait classe tout de même ! Non ? — Mmmouais...).
Un leitmotiv (l´ourson en peluche) qui finit par faire toc, lui aussi.
On pourra émettre un doute (naufrage du récit perdu dans ses propres brumes, ou virage raté, assomption gratuite et discordante mutation en conte ?) quant à la fin de ce livre qui se fait la malle dans la pirouette du Grand Mystère.
Mais on pardonnera cette inattention :
« le damas taché de taches de vin ». On pardonnera aussi à l´auteur, si l´on est bienveillant comme moi, d´avoir omis de nous expliquer où et quand Magnus s´exilant en France, dans le Morvan, a-t-il appris le français (alors qu´on le sait pour l´espagnol, l´anglais ou l´allemand). Pardonnons-lui cet oubli. Mais pas ces protagonistes superficiels, ces personnages de bas-relief usé qui ne parviennent pas à occuper le thème.
Non plus que l´anecdotique remplissage qui ne fait guère illusion quant à l´incapacité d´habiter un sujet, visiblement trop ample pour l´auteur, qu´on sent, tant c´est évident, avoir durement peiné sur son livre.
Et je m´étonnerai toujours qu´un auteur ait assez peu de pudeur pour laisser publier les traces de son effort laborieux, le fruit talé abandonné à sa sensible peine, plutôt que de le reprendre, en temps et en soin, avant de l´offrir ravivé par un souffle de joie créatrice.
Voilà donc un sujet très fort, très grave, et voici un livre infantile que, logeant tous les temps à la même enseigne, le présent indicatif aplatit et n´aide pas à monter en subtilité ; un fruit ratatiné, un grain brillant réduit à une peau de raisin sec, un thème en or transformé en livre de plomb.
Enfin, sûrement pas un magnus liber !
P.S. Après tout, ce livre tout entier n´est-il peut-être qu´un conte raté pour enfants, oł les longues limaces du Morvan sortent par temps froid sec et givrant et où un petit moine est grand maître des abeilles. Ce qui éclairerait le prix qui lui fut décerné : le Goncourt des Lycéens en 2005. Et expliquerait le mauvais public que j´en fus.
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