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Le livre numérique II : ce bon Monsieur Bon

« Si on ne prenait pas le risque aujourd'hui de quitter le livre papier, cette beauté de matière, ces 300 ans d'histoire(*), alors que cet objet ne peut plus attraper le monde en face de lui ... » François Bon.
Que voilà un bien curieux décret ! L’un de ceux qui me font douter d’une encore réelle possibilité de réflexion. Salves de mots jetés par qui sème dans le vent, plutôt que fruit d’une analyse posée.
Donc « cet objet ne peut plus attraper le monde en face de lui… ». Mais le livre l’a-t-il déjà pu ? S’est-il jamais agi pour lui « d’attraper » quoi que ce soit, et si oui, était-ce vraiment en face de lui ? Et s’il l’a jamais pu, en quoi ne le peut-il plus ?
Le fait est pourtant là, si massif, si communément observable qu’il fait presque figure de loi : qui n’est pas capable d’ouvrir un livre condamne son intelligence à la nécrose. Qui ne peut appréhender un texte, qui se contente paresseusement de sa télévision et/ou de son ordinateur, d’y susciter ses sens sollicités tous azimuts sans prendre le temps de la pensée, celui-là n’a aucune chance de réveiller en lui imagination, abstraction, réflexion, conceptualisation, etc.. Tout ça, c’est-à-dire tout ce qui fait la richesse humaine, ne fera que se dessécher. Observez avec discernement autour de vous, et voyez si je fais erreur.

« Il y aura peut-être un nouveau génie qui consistera à écrire des romans avec des vidéos, avec de la musique, avec de l'hypertexte... […] Quelles sont les formes narratives qui peuvent naître de cela ? Ces formes ne s'appellent pas roman. » François Bon.
Ces formes existent déjà : le cinéma les a produites. Dans un film, tout est là : le dit, le vu, la musique, le rythme. Aucun effort à produire. Juste consommer. Consommer. En gros, la nouvelle forme « ratatouille » (qui, sauf erreur de ma part, ressemblerait assez au contenu de feu le CD Rom) qu’appelle de ses vœux François Bon, viserait à décharger encore l’intellect humain de ce par quoi il s’est construit. Des petits romans illustrés avec des images animées, du son, peut-être même des odeurs ? On attend encore de voir un élan significatif vers ces « nouvelles formes ». Mais croire que ce genre de produit (et là, je prends le risque du ridicule si, dans dix ans, je suis démenti) va se répandre au point de supplanter le livre de littérature (c’est-à-dire le livre « pas avec des images »), c’est un peu comme croire que le cinéma lui-même, avec ses films désormais au format numérique (fichiers), ne produira plus que des films en images de synthèse. Où l’on voit, au contraire, que le numérique est resté humblement simple support même si, à la marge, il a facilité la production de certaines images. Sans révolutionner la forme cinématographique elle-même (voyez que je prends peu de risque !).

* On notera le sens de la réduction historique de F. Bon : le livre papier (sa forme codex toujours actuelle) existe depuis 700 ans. Imprimé, le livre papier existe depuis au moins 500 ans.

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