Tsipras, en fossoyeur des rêves.
L’heure n’est pas au bilan – car l’Histoire n’est pas (encore) ce tableau noir crayé d’un exercice comptable sur lequel on passerait régulièrement l’éponge, comme si de rien n’était – mais elle autorise un premier examen, disons un arrêté d’étape.
Et pour la Grèce, ça n’a hel(l)as ! rien de brillant.
Une formation politique, Syriza, élue fin janvier pour changer la donne (et non pour donner le change), menée par un sémillant premier ministre, Alexis Tsipras, aura finalement mis six mois pour montrer que, dans le jeu politico-financier, elle ferait comme le précédent gouvernement : pas mieux (à des broutilles près). Voire (coutumière ironie de l’Histoire), qu’elle devrait prendre les mesures peu progressistes à propos desquelles les précédents gouvernements conservateurs atermoyaient. Contrainte et forcée. Ce qui s’appelle boire la coupe de vin noir (oui, en Grèce, notre vin rouge est vu noir) jusqu’à la lie !
Mais Tsipras (soutenu par sa formation au parlement) a cru, de surcroît, devoir tendre aux Grecs le relais d’un référendum. Relais qui s’avérera finalement simple hochet (pour ne pas parler de cet autre objet dont le nom finit par la même syllabe !).
De deux choses l’une :
- soit Tsipras a réellement cru pouvoir peser sur les institutions « Euro » de tout le poids du résultat sans appel du 5 juillet,
- soit, il savait que cela ne servirait à rien.
Dans les deux cas, l’impéritie est patente. Dans les deux cas, les Grecs ont été humiliés. Et dans le deuxième cas, c’est plus grave encore, puisque c’est Tsipras lui-même qui est à l’origine de l’embrasement référendaire. Autrement dit, c’est Tsipras qui a ajouté une couche à l’humiliation des Grecs ! Mais l'ironie de la situation ne tourne-t-elle pas (comme un fromage de brebis sous un soleil caniculaire) à la cruauté quand elle ajoute, à grands coups de clairon, que ce référendum sera le premier depuis la fin de la dictature des colonels ?
Je crains que Martin Schulz ait finalement gain de cause. La défiance verra rapidement le jour en Grèce vis-à-vis de Syriza, conduisant à une destitution de fait.
Mais, dans leur intransigeance, les institutions « Euro » ont, elles, omis d’intégrer cette équation : à misère égale, conserver sa fierté est un plus. Et la fierté, les Grecs, en ont, à l’image de la nuque raide de l’evzone sur la place Syntagma ; à l’image du capétan Michel dans « La liberté ou la mort » de Kazantzákis. Et ils y tiennent, à cette fierté ; elle rappelle celle qui, en France, animait les Conventionnels tenant
tête à l’Europe monarchiste – et qui perdure aujourd’hui en vestige dans les yeux satisfaits des Français quand ils voient ceux des touristes étrangers éblouis des feux d’artifices, le 14 juillet.
Toutes choses égales par ailleurs, la fierté préservée était un plus. Bafouée, elle est un risque.
L’armée grecque fait partie des secteurs qui vont devoir se serrer « la belle ceinture ».
Et je ne serais pas autrement surpris si, comme en avril 1967, un nouveau coup d’Etat militaire était la prochaine étape, amenant au pouvoir quelques généraux ou colonels : en Grèce, cette expérience-là est historiquement maîtrisée. Syriza est l’archétype des formations qui précèdent l’instauration des juntes. Qui sait, même, si ce n’en est pas déjà la menace expresse qui a contraint Tsipras à passer l’éponge sur le référendum et à se séparer de Yanis Varoufakis ?
16 juillet 2015
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