« Populisme », un bonbon lexical
Colombani a pondu :
un article de J-M. Colombani
Rien de bien nouveau sous le soleil. Aussi imparable que celle des continents, la dérive libérale (celle qui pourrait réduire le monde à une pangée sous les halles du Marché, gonflé comme une énorme bulle de Center Parc) s’appuie sur ses relais de presse, et c’est bien normal. Ainsi une analyse qu’on eût lue naguère dans « Le Figaro », la retrouve-t-on aujourd’hui dans « Le Monde » (oui, « Slate », si vous voulez), et qui sait si, demain, « L’Huma » ne se mettra pas lui aussi au diapason ?
Aussi imparable que le déclin de la biodiversité, la folliculo-diversité bat de l’aile.
Dans le papier de Colombani, je m’attarderai sur un terme : « populisme », tant il fait florès, ces temps-ci.
Fait-il allusion à la doctrine littéraire du même nom, à laquelle en appelle Oliver Adam ?
un article d'Olivier Adam
Que nenni : Syriza ne se mêle pas de littérature.
Non, ce « populisme » est un mot hautement péjoratif, qui porte en lui sa charge de discrédit. Dans la bouche de ses locuteurs (tous de la même rive, et pour cause !), il désigne désormais (oui, parce que les mots dérivent aussi !) tout acte démocratique dont le résultat n’est pas conforme au mouvement de dérive libérale.
Exemples :
Le référendum sur le Traité de Maastricht en 1992 était un acte démocratique (au vu de son résultat).
Le référendum sur la Constitution Européenne en 2005 était un acte populiste (au vu de son résultat).
Voyez que le départ est ténu : tout dépend du résultat du geste démocratique ; la bascule « démocratique/populiste » se joue sur quelques pourcentages. L'avantage de cette pensée en interrupteur binaire, c'est qu'elle est simple à manipuler. Et le mot ainsi saigné de son sens, il suffit de le jeter à la face du contradicteur comme un gant de caoutchouc cinglant de toute sa charge de mépris.
Mais le mot est aussi une friandise, un bonbon, et le plus infime plumitif ne manquera jamais de prendre son plaisir au passage : « populisme » s’en gobergeant, se gonflant les joues de ces petits « po » et « pu » et « pop », aussi délicieusement explosifs que des bulles de chewing-gum. Objet d’une jouissance prononciative, gageons que Louis XVI l’avait en bouche, lui aussi, le passant de l’une à l’autre de ses bonnes joues replètes, le pondant enfin de ses lèvres (en cul de poule, pour la circonstance) lorsque, sous ses fenêtres ou quasi, il vit le peuple (la populace, quoi !) inaugurer la Révolution.
18 juillet 2015
|